En fin de soirée

La nuit vient de tombée sur Keldun. Une ombre s'approche lentement du camp dah. De plus pres, lorsqu'il arrive pres des roulottes, on peut s'appercevoir que c'est un jeune homme qui s'avance presque timidement...

Une ombre, il en était une autre, massive, qui se découpait dans la neige à la lueur des flammes, au centre des roulottes. A l'aide d'un bâton déjà partiellement carbonisé, Al'Kaï remuait les charbons rougeoyants pour en constituer un petit monticule sous l'amas pyramidal des branchages qu'il avait élevé. Il était de veille, comme souvent...
Totalement décalé dans ses horaires de veille et de sommeil, sans doute dans l'idée de son rôle de gardien lugubre, il ne parvenait en effet à trouver le repos que quand les étoiles étaient déjà sur leur déclin, ce qui présente dans les montagnes l'inconvénient de la température... Et s'était donc attribué la charge de surveiller le camp à la nuit tombée, et de rester en arrière des caravanes lorsqu'ils quittaient une ville, s'assurant par là de leur tranquillité, si besoin au moyen de l'acier.
En l'instant, il faisait tourner entre ses doigts recouverts de mitaines de laine trouées un gobelet fumant, lorqu'un bruit de pas attira son attention.
Se redressant soudainement, il posa la main sur un étrange manche en bois qui dépassait de sa ceinture sans pour autant lâcher sa précieuse tasse, ses yeux verts se faisant scrutateurs.

Qui vient quérir les Dha à une heure si peu appropriée pour les visites ?

Dit-il à l'adresse du jeune homme qui s'avançait vers lui, le ton sévère.

Le jeune homme semblant chercher quelque chose, se tourne vers Al'kaï

"- une heure mal approprié ?? repete il en levant le nez vers les étoiles...ah oui probablement...pardonnez moi messire, je n'avais pas fais attention qu'il pouvait etre si tard...Dans le trou il fait toujours noire..."

Kralsaa s'approche du gardien du camp :

"- Mais je me presente, je suis Kralsaa de Boktor...je venais voir si Pan se trouvait au camp..."

Dans le trou il fait toujours noir... Cette déclaration somme toutes d'une assommante logique sembla laisser le gardien comme deux ronds de flan, un instant incertain quant à savoir s'il devait achever les souffrances manifestes de son interlocuteur dans l'instant, ou au contraire préférer l'optique de l'humour. Après une courte délibération interne, il opta pour la seconde possibilité, et un sourire de loup, cruel et froid, vint étirer ses lèvres.

Al'Kaï Dah...

Répondit-il d'un ton égal de sa voix grave et rocailleuse laissant deviner un fumeur assidu sans pour autant se départir de sa posture légèrement menaçante, ses yeux émeraude fureteur suivant au millimètres chacun des gestes de l’homme aux cheveux blancs, comme un prédateur prêt à lui sauter à la gorge au moindre geste malheureux. Un moment... Puis il se redressa légèrement en grimaçant à l'évocation du nom de sa jeune nièce, retrouvant une position plus humaine sans pour autant parvenir jusqu'à l'affable.

Et que lui voulez-vous à Pan ? Il ne me semble pas que venir chercher une aussi jeune fille en pleine nuit soit très approprié non plus...

"Hanlalaaaaa le vieux réac' !" N'auraient sûrement pas manqué de s'exclamer nos adorables jumelles en la circonstance... Oui mais voilà, elles n'étaient pas là ! C'est donc à loisir que l'homme garda ses pupilles glacées et son beau visage de marbre face à l'homme manifestement plus jeune que lui qui ramenait ses panards sur ce qu'il semblait considérer comme son territoire.
Et bé... Sans doute la demoiselle Pan dont-il était question s'était avérée d'un meilleur accueil pour attirer jusqu'à elle le dandy en mal de compagnie. Tel n'était en tout cas pas le cas du bonhomme actuel, aussi avenant qu'un iceberg qui verrait débarquer un scorpion sur sa calotte polaire.
Youhou ! Vous venez de rencontrer un des tontons de la famille Dah ! Tududum ! Et qui veillait semble-t-il avec une jalousie d'avar maladive sur l'intégrité physique et mentale des petiotes de son clan. Peut-être prenait-il décidemment ce rôle de gardien trop à coeur à tous les niveaux...

Avenant comme un iceberg rencontrant un navire qui se croyait insubmercible, aurait plutot penser le jeune homme. Car Kralsaa ne semblait pas tenir compte une seule seconde de l'apparance quelque peu inamicale du gardien du camp.
Il lui parla le plus simplement du monde en le fixant de son regard bleu clair et en lui adressant un leger sourrire :

"- Oui, je sais... Ce n'est peu etre pas le meilleure moment...Mais tout a l'heure, je me suis...on peu pas dire disputer avec elle...mais j'ai pas été tres sympa... et je venais la voire pour lui presenter...comment dire... pour lui dire que j'avais pas été sympa..."

en réalité la jeune Pan n'est pas très loin, affairée assise sur le rebord de sa roulotte elle reprise avec minutie les pantalons propres du jour, elle a récupéré du fil de Chard et en profite pour cacher les vilains trous qui assaillent les vetements familiaux. Certes elle a du travail mais ne rechigne.

A l'abris d'un regard extérieur (donc de Kralsaa) elle entend les échanges et sourit de bon coeur, ces tontons sont tous les mêmes mais dans l'fond elle adore ça se sentir choyée et protégée meme si faut l'admettre y a bien pire bougre que Kralsaa. Mais pour l'heure elle ne se montrera pas, l'autorisation n'est pas venue de tonton Alkai qui sait ou elle est.

Mmm... On a été un méchant toutou avec ma petite nièce ?

Répéta-t-il, comme on parlerait à un enfant débile, un sourire carnassier étirant ses joues hâlées. Ses doigts gantés continuèrent de s'attarder un moment sur le morceau de bois noirci qu'il tenait toujours, avant qu'il ne hausse les épaules avec un gros rire.

Okay p'tit gars. On va laisser la demoiselle décider par elle-même...

Se raclant la gorge pour l'éclaircir, il lâcha un fameux "Pan !", avant de s'approcher du damoiseau, le temps de lui glisser quelques mots à voix basse, juste au creux de l'oreille, comme pour une douce confidence :

Tâche de garder toujours ces bonnes notions de politesse... Que je n'apprenne pas tristement que tu as été insultant avec la petite... Capito ?

Et de lui tapoter l'épaule, un peu trop fort pour que ce contact soit classé dans les fraternels ou complices, trop doucement pour s'avérer réellement douloureux, et s'en retourner, sans doute pour laisser place à la fameuse Pan qu'on attendait maintenant avec impatience !

La jeune en aurait presque ri, sacré tonton cependant meme si elle si attendait elle sursauta et fit tomber sa bobine de fil qui commenca a se dérouler. Lachant pantalon et autres choses qu'elle tenait en main elle courru prestement apres sa bobine qu'elle rattrapa fort heureusement, hélas de fait l'entrée n'était guère soignée et c'est en se relevant la bobine de fil emmélée a la main qu'elle apparut devant Kralsaa et son Oncle. Cependant loin de s'en formaliser elle sourit.

- Yo Dah! T'as besoin de moi ? Oh tien.... *surprise assez bien feinte* Kralsaa? Qu'est-ce qui nous vaut le plaisir de la visite?

Certes Al'kaï Dah pourrais sembler impressionant, mais le fils de Myriem de Boktor ne saurait etre impressionné par qui que se soit. Habituer à sa charesmatique tante Moira, c'est un peu amusé, comme au spéctacle, que Kralsaa regarde le jeu du gardien du camp... Mais tres respectueusement il lui repondit :

"- Ne vous inquitez pas, Messire, mes tantes m'ont bien appris a etre respectueux avec les jeunes filles..."

Puis Pan fit sa gracieuse apparaition :

"-Ah pan !! je suis content que tu soit là...C'est toi que je cherchait..."

Pan sourit au mot de « messire » a l’attention de son oncle pour sur c’est pas tous les jours qu’on l’appelle comme ca, a aucun d’eux en fait. Arrivée devant les deux hommes elle se tient droite et tout contente d’elle peut etre…

- J’ai cru comprendre que tu me cherchais en effet, t’as pas du avoir trop de mal non plus a me trouver hein. Mais dis moi qu’est-ce qui t’amène ici a cette heure ? Tes tatas savent que t’es dehors ?

"- Et bien, repond le jeune homme, c'est pas aussi evident que ça de te trouver...j'ai de la chance que tu sois içi...quant a mes tantes, elles sont habituer a ne pas me voire pendant plusieurs jours parfois...je suis grands maintenant, rajoute t il en s'amusant."

"- Et toi ? demande t il ensuite.. c'est possible de marcher un peu pour discuter ?"

Pan tire volontiers la langue au jeune homme.

- Pas évident pas évident, c’est qu’tu sais pas chercher sur’ment ! Et quand a etre grand j’jugerai pas la dessus mais si Dame Moira te laisse partir plusieurs jours d’affilés c’est qu’elle doit avoir ses raisons et confiance en toi.

Elle se demande un instant si le « et toi » concerne le fait qu’elle soit grande cependant elle répond.

- Moi ? Chuis grande depuis qu’j’ai eu… Fin chuis grande passons… quand a discutailler c’possible pour sur tant qu’je reste en vue du camp, enfin qu’tonton m’voit, hein tonton c’possible d’causer a l’extérieur a quelques mètres ?

Et ce soir là, c’est tête dans les nuages, le châle qui ne recouvre qu’une seule de ses épaules que Dena rentre au camp à une heure plus que raisonnable comparativement à ses habitudes… … Elle erre lentement, donnant quelques petits coups dans les cailloux qui croisent son chemin chantonnant on ne sait quoi ... Un sourire niais sur les lèvres…

Elle croise sa cousine Pan avec un Ton, d’abord étonnée puis amusée, elle ne dissimule pas un rire moqueur à leur intention. La surprise n’est pas moins grande lorsqu’elle aperçoit le cousin Al’ et l’oncle Tagha autour du feu, laissant Pan s’éloigner avec ce jeune Ton…
Elle rejoint les deux hommes, passablement énervée et pointe en direction des deux tourtereaux en dehors des « Frontières Dah ».

- Et c’est normal vous allez m’dire ?

La jumelle croise les bras en relevant le menton et attend une explication… Quelle effronté celle là, oser défier et demander des comptes à ces deux mâles, à l’heure où coule le Dah’Lkol et fument les herbes qui font rires…
Malgré tout, Dena louche sur la bouteille mais surtout sur la fumette…

Etre sage et rentrer tôt chaque soir pour faire ce que bon lui semble la journée depuis l'aube a toujours semblé etre le meilleur moyen d'etre tranquille a Pan. Son oncle lui donnant son aval pour qu'elle poursuive sa discussion avec Kralsaa la fait sourire et sa cousine qui rentre au camp si tot se moque d'eux mais Pan sourit en retour.

- Allez Kralsaa bouges maintenant, on va plus loin pour causer, j'connais les cousines, les oreilles ca traine vite ici non pas qu'j'ai quoi que ce soit a cacher mais ca les ferra raler pour une fois ca changera

Kralsaa semble ravis de ne pas voire monter sur ces chevaux, Tagha Dah, le second tonton, lorsqu'il demande Pan pour lui causer un peu a l'ecart...
Il souriait a la jeune fille, s'appretait a dire les politesses d'usage aux tontons avant de s'éloigner avec Pan lorsque ce qui semblait etre la cousine se pointat... et avant que tous ne change d'avis devant l'humeur de la dite cousine, il obeït aussi rapidement que la correction lui permettait lorsque Pan lui demanda de bouger :

"-oui bien sur... fait il en entrainant la jeune fille un peu plus loin..."

Les deux jeunes gens s'éloignent donc de quelques mètres des roulottes, la nuit ombée les faisant ressembler a deux ombres vagues, cependant au cas ou l'tonton s'ferrait du mourron et qu'il jetterait un oeil, les deux jeunes gens sont a distance respectable et semblent discuter le plus naturellement du monde.

Il ne s'écoule que quelques minutes lorsque la porte de la roulotte de Dali s'ouvre de nouveau. Cette fois-ci c'est Adah qui en sort. Tiens elle était là celle-là ?
Dans sa main, un petit chaudron pas plus gros qu'un melon et dans l'autre, un petit pot de bois avec un couvercle.
La jumelle jette un oeil vide aux silhouettes de Pan et de Kralsaa qui se sont éloignées. En bordure du camp, elle ramasse de la neige non encore souillée pour en remplir la petite gamelle de fonte, puis s'approche du feu.
Sans un mot, elle pose le chaudron sur le trépied de fortune et attend, accroupie près des flammes, que l'eau fonde, puis bout. A cet instant, elle ouvre le pot, jette les herbes dans le liquide frémissant, puis laisse infuser.

- M'man me dit qu'tu d'vrais en boire un godet.

Elle s'adresse à Tagha mais sans le regarder, ses yeux bruns tout accaparé par la petite alchimie de cuisine en train de se produire dans le chaudron.

L'homme avait suivit le dialogue entre son cousin et la jolie jumelle dans un silence de marbre, s'imprégnant simplement de l'atmosphère saturée d'amertume qui naissait au fur et à mesure des mots échangés, plus expressive qu'aucune phrases n'aurait pu l'être.
Il rejoignit Tagah près du feu quand celui-ci l'y invita, prenant place sur un tabouret en plaçant entre ses jambes sa propre bouteille d'alcool, tirée d'un des pans secret de son manteau.
La cigarette changea de main, et il la recueilli en la coinçant entre les phalanges de son index et de son majeur, fermant le poing autour de l'extrémité du cône avant d'y poser sa bouche, inspirant fortement, longuement... Puis expira l'épaisse fumée avec lenteur, fermant les yeux en laissant les volutes de fumée blanchâtre flouter les traits de son visage avant de se disperser dans le vent.

T'es gentille Adah... Mais là j'crois qu'un p'tit moment d'tranquilité s'rait pas d'trop... Tu voudrais pas laisser tes salop'ries d'sorcière d'côté et r'tourn'er dans les jupes d'ta mère c'soir ? On a tous les r’mèdes qu’il nous faut ici…

Le moins qu'on puisse dire était sans doute que la joie de vivre ne semblait pas incarnée dans les deux hommes assit là en cette nuit qui pourtant n'avait rien de bien différente des autres... Ou peut-être que si ?
Le regard que lança Al'Kaï à la demoiselle était pourtant sans équivoques : pas de reproches non, simplement une demande, mais qui pourtant ne semblait guère attendre de contestation.

La jumelle ne semble pas s'émouvoir des propos d'Alkaï. Elle attrape un tissus perdu dans ses jupes pour empoigner le chaudron en fonte puis se relève a peu près aussi silencieusement qu'elle était arrivée.

- J'faisais qu'faire passer l'message.

D'un pas tranquille elle reprend la direction de la roulotte de sa mère dans laquelle elle disparait comme le fit Dena peu avant

Al'Kaï suivit des yeux le départ de la jeune femme, la regardant disparaitre dans la roulotte d'où elle était venue. Un soupire lui échappa, avant qu'il ne rejette la tête en arrière pour faire glisser le Dah'Lkol depuis la bouteille jusqu'à sa bouche. Le liquide lui cuisait délicieusement le corps, faisant monter le sang à sa tête, battant ses tempes. Il reposa la bouteille sur le sol en se raclant la gorge, avant de glisser son regard vers son cousin morose.

Pas toujours simple de gérer ces petites délurées hein...

Fit-il remarquer de la voix sombre du vieux blasé qu'il était. Un silence, avant qu'il ne reprenne.

Je t'aiderai de mon mieux pour essayer de veiller sur le tout, tu le sais... Et je sais que toi aussi tu fais de ton mieux selon ce que tu pense bon pour elles.

Un simple constat en vérité, sans qu'il semble juger bon de développer. Visiblement, l'idée ne lui avait pas traversé l'esprit de s'épancher sur des questions d'éducation de jeunes filles... Soit qu'il n'avait pas d'opinion, soit qu'il n'en avait pas envie... Ou tout simplement ne jugeait-il peut-être pas le moment opportun.

Ton daron s'rait content d'toi.

Finit-il par lâcher entre deux lattes généreuses.