Duo acrobatique

Matinée fraîche mais idéale pour un entraînement. Enfin, c'est ce qu'en pensent les jumelles Dah dès les premières lueurs du soleil, alors que les lunes disparaissent.
Une roulotte se vide des deux jeunes filles qui comme toujours, avancent main dans la main, souriante l'une avec l'autre, toujours cette même complicité.
Pourtant… A les regarder, quelque chose semble avoir changé chez elles...
Bon sang mais c'est bien sûr ! Les deux saltimbanques ont laissé leurs robes dans les malles pour des vêtements plus… moins… Bref, elles ont laissé froufrous et jupons habituels préférant chemises à jabot blanches et pantalons noirs à la ceinture à nouer et aux pieds, des chausses de cuir noir à la semelle souple qu'elles appellent vulgairement chaussons. Les cheveux noués en chignon rond, elles avancent pour s'asseoir un peu plus loin toujours en s'échangeant quelques mots.

- Cette fois tu m'laisses pas tomber hein !

- C'est toi qu'avais bougé !

- C'est faux d'abord !

- Nan ! C'est toi tu r'garder l'Ton plutôt que de te concentrer !

- Nan c'était toi !

- Nan !

- Si toi !

- …

Le silence s'installe. Les jumelles se regardent sans un mot, l'une en face de l'autre, les jambes croisées, une main posée sur le genou de l'une dans la main de l'autre et inversement.
Les yeux se ferment, les dos sont droits et les mentons légèrement relevés.
Adah et Dena prennent de grandes inspirations maîtrisées. Il est rare de les voir aussi sérieuses, calmes, concentrées dans leur travail.
Les mains bougent ensembles, les paumes l'une contre l'autre, leurs bras dessinent des cercles lentement dans les airs, un rituel qui les met en osmose et nécessaire pour leur concentration et ne faire qu'une…

L'échauffement peut alors commencer. Les deux jeunes femmes se lèvent, ensemble, dans une synchronisation parfaite comme les deux corps qui exécutent les mouvements d'assouplissement.
Elles sont toujours l'une en face de l'autre, seul un pas les sépare. Les yeux dans ceux de celle en face, elles se courbent, lèvent la jambe lentement sur le côté dans un retiré qui glisse le long de leur jambe de terre pour se finir dans un développé atteignant une hauteur à en faire pâlir les plus grandes montagnes qui les entourent. Des mouvements mille fois répétés et exécutés depuis leur plus jeune âge dans un équilibre parfait. Une bonne heure passe, ce qu'il faut pour ne pas que les corps souffrent de la torture qu'ils vont subir dans les heures qui vont suivre et les choses sérieuses peuvent démarrer…

Dena allongée sur le sol accueille sa sœur au dessus d'elle, les mains fermement serrées, les bras tendus et raides comme les poutres qui maintiennent la corde de Pan. Voilà Adah qui entame sa première acrobatie. Un équilibre, « assise » dans les airs, les jambes de chaque côté des mains, les bras aussi tendus que ceux de Dena. La voilà au dessus de sa sœur. Le moment délicat arrive… Adah bascule lentement en avant pour passer de la position « assise » a celle de la chandelle, les jambes remontant aussi lentement que bascule tout le haut du corps de la jumelle acrobate, cherchant toujours le meilleur point d'équilibre entre les deux parties de son corps.
Dena elle, de son côté respire profondément, les yeux rivés sur sa sœur et commencent déjà à perler sur les fronts les premières gouttes de sueur.

Bien que Déna soit très concentrée … elle ressent un léger gène depuis hier soir.
Et ça empire depuis le début de l'exercice … elle transpire et frémis légèrement (ce qui gène Adha).
Dans ses narines, les odeurs se font plus fortes, écoeurantes, elle a du mal à décoller la langue de son palet.
Soudain, chassant toute les autres odeur se sont les relent du dîner de la, veille préparé par Comi qui envahissent ses sens : l'odeur de trop de choses mélangée, le goût incertain…
C'en est trop, Dena se plie en deux et rend la totalité de son repas, ignorant la chute de sa sœur.

Adah, concentrée sur son exercice, ne comprend qu'en dernier instant ce qui est en train de se passer. L'appui sur lequel elle comptait pour effectuer son acrobatie se dérobe soudainement et elle ouvre des yeux apeurés quand elle se sent basculer sur sa soeur.
Dans un réflex salvateur, elle se met en boule pour éviter de se briser les os, mais elle ne peut éviter de se fouler le poignet.
Patatras.
La figure tant travaillée des jumelles s'effondre.
Adah se redresse ne gémissant et se tenant l'articulation. Elle est partagée entre la colère et la douleur, mais le tout se mue rapidement en inquiétude quand elle voit dans quel état est sa soeur

- Dena ! qu'est-ce qui t'arrive ? ca va pas ?

Tout en grimaçant sous l'effet de la foulure, se tenant le poignet de sa main valide, elle s'approche de sa jumelle

dena tu as de super crampes au ventre, comme tu as tout endu .. il ne te reste que de la bile à vomir ( ce qui comme chacun le sait fait tres mal )

Sous le regard inquiet de son oncle, Adah bouge son poignet. Elle grimace sous les élancements douloureux mais elle dit d'une voix confiante

- Rien de cassé. J'arrive à le bouger. Maman devrait avoir une pommade ou quelque chose pour que ca fasse moins mal, ca ira.

Ses yeux se portent alors sur sa soeur qui est toujours en proie aux vicissitudes de son estomac

- J'te jure tonton qu'on la prise la tisane de m'man. J'comprends pas. Elle a du manger quelque chose d'encore plus degue... d'encore moins bon que ce que fait mémé.

La jumelle se relève et s'approche de sa soeur, lui prodiguant quelques caresses dans le dos pour la soulager et la soutenir, inquiète